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Partant d’une bonne initiative, la première Exposition Universelle lyonnaise n’a pas eu le succès attendu et n’a connu que des déboires. L’objectif de faire de cette Exposition un grand mouvement industriel et commercial lyonnais a été difficile à atteindre, faute d’une organisation à la hauteur. On doit cet échec à de nombreux facteurs : engouement partagé, moyens financiers initiaux insuffisants, nombreux retards dans la mise en place et météo fortement défavorable, tout cela sur fond de guerre franco-prussienne. On retiendra de cette première expérience festive, qui a attiré tout de même quelques curieux au Parc de la Tête d’Or, qu’elle se termina en faillite.
Le projet d’une Exposition Universelle lyonnaise naît en 1868, dans un contexte d’opposition au Second Empire, de menace de Bismarck et surtout après le succès des deux Expositions Universelles de 1865 et 1867 à Paris où la fabrique lyonnaise a triomphé. À Lyon, le commerce est florissant. La soierie, les industries textiles et chimiques portent le prestige lyonnais.
Deux notables lyonnais sont au départ de ce projet : Arthur Jame, et Jules Chatron. Le premier a été agent principal de la Chambre de Commerce de Lyon à l’Exposition de Paris en 1867, l’autre est architecte.
Suite à deux consultations du Préfet à la Chambre de Commerce de Lyon en 1868 et 1869, on sent déjà que l’Exposition suscite peu d’intérêt. Du côté des grandes industries de soieries, de produits chimiques et de machines, l’avis est plutôt défavorable. Ils considèrent que les frais générés par l’Exposition seraient considérables et supérieurs aux avantages. Les industries plus secondaires ont un avis favorable.
Les Expositions de ce genre sont considérées comme de véritables spectacles. La grande affluence de visiteurs peut être profitable pour faire connaître plus rapidement les inventions nouvelles. En définitif, la Chambre de Commerce oppose à ce projet son concours financier mais offre son concours moral.
La Chambre de Commerce n’ayant pas octroyé de financement, Jame et Chatron doivent trouver un autre moyen pour réunir les fonds nécessaires.
En mars 1869, la Commission de l’Exposition décide de créer un Comité de souscription pour recueillir des dons volontaires et obtenir l’adhésion des principaux entrepreneurs de la ville. Ces entrepreneurs se constituent en Société Coopérative pour se charger des frais de construction. Cette dernière s’est vite essoufflée.
Pour remplacer la Société Coopérative et répondre à la question financière, Jame et Chatron cherchent un entrepreneur général pour se charger, à forfait, de tous les travaux de l’Exposition. Leur choix se porte sur Monsieur Savy, constructeur reconnu pour notamment ses travaux à l’Exposition de Beauvais ou encore au Palais du Vice-Roi d’Egypte à l’Exposition de 1867. Il est aussi auteur d’une charpente élégante, solide, peu chère et réutilisable après démolition pour de petites constructions. Toutes les constructions seront faites par lui, sur les plans de Jules Chatron.
En novembre 1869, on institue une Société Anonyme au capital de 500 000 francs soit 1 000 actions de 500 francs. À ce capital s’ajoutent les 80 000 francs de dons volontaires. Les exposants loueront 30 francs le mètre, ce qui couvrira les frais de construction.
Une fois les modestes fonds sociaux réunis, il reste à obtenir le terrain. Le Parc de la Tête d’Or, ouvert depuis peu, en 1857 seulement, semble être un espace idéal suffisamment grand pour installer l’Exposition.
La ville de Lyon fait bail gratuitement et temporairement à la Société Anonyme de l’Exposition du terrain compris entre les bords du charmant lac du Parc et le Rhône depuis le viaduc de Genève jusqu’au pont de la Boucle (actuel pont Winston Churchill).
En février 1870, le feu vert étant donné, les constructions peuvent être commencées. C’était sans compter la guerre qui met à mal le moral des Lyonnais ainsi que le commerce et l’industrie qui semblent ruinés.
À cause de la guerre contre les Prussiens ainsi que des instabilités politiques avec la Commune, l’ouverture de l’Exposition qui devait se faire au 1er Mai 1871 est reculée d’une année. Pour relancer l’engouement, en avril 1872, de nouvelles souscriptions s’ajoutent au 500 000 francs initiaux. 200 000 francs par le Ministère de l’Agriculture et du Commerce, 100 000 francs par le Conseil Municipal de Lyon, 30 000 par le Conseil Général. Or, du côté des industriels et commerçants, l’Exposition lyonnaise ne les intéresse encore moins qu’en 1869, elle leur semble être un gouffre financier, une mauvaise affaire dont il faut se méfier.
Les constructions comprennent de longs bâtiments entre l’entrée principale du parc et la porte proche du viaduc de Genève avec le Palais, un grand édifice central dans le style mauresque et de larges galeries.
Devant, les pelouses et les kiosques de brasseries, cafés, restaurants, buvettes offrent un cadre agréable. Une magnifique flottille est mise en place sur le lac avec barques, chaloupes, canots de toutes formes et pontons élégants.
En mars 1872, soit quelques jours avant l’ouverture prévue au 1er mai, les travaux commencés deux ans auparavant ne sont pas terminés. Pire encore, certaines constructions inquiètent Monsieur Hirsch, architecte municipal. Elles ont des pièces aux dimensions insuffisantes, ne sont pas solides, ou connaissent des effondrements. Le pavillon central n’a que ses fondations et n’est pas encore élevé.
Seule la galerie des machines, le premier bâtiment à l’entrée du parc, semble être la plus avancée. L’ouverture de l’Exposition est donc renvoyée au 15 mai. Un autre facteur de retard a été la pluie. Elle pénètre de toutes parts dans la galerie des tissus et cause des dégâts. Des réparations de la toiture sont nécessaires. Au 12 mai, l’ouverture est remise "irrévocablement" au 2 juin.
La nomination par Jame à la tête de la direction de la Société et de l’Exposition d’Alfred Tharel, rédacteur en chef du Moniteur de la Flotte, semble marquer le passage d’un destin favorable aux difficultés, ennuis et échecs.
Le 2 juin à midi, l’Exposition ouvre ses portes au public, dans l’état où se trouvaient les bâtiments. Le droit d’entrée est de un franc. Les visiteurs font un assez long trajet en train et viennent principalement de Paris, des régions de Saint-Etienne et de Roanne.
Non seulement le Palais est loin d’être terminé, mais l’installation des objets à exposer est à-peu-près nulle, le nombre de vitrines garnies ne dépasse pas quelques dizaines. Les installations dans les galeries avanceront doucement les semaines suivantes. La galerie des machines et celle des produits coloniaux sont en grande partie meublées contrairement à celle des industriels de la localité.
L’inauguration officielle de l’Exposition ne se déroule qu’un mois après l’ouverture, le 7 juillet. Le Ministre de l’Intérieur, Victor Lefranc y est présent. Tharel et lui prononcent leurs discours avant que la soirée ne se poursuive avec des illuminations. Les visiteurs se pressent sur les bords du lac, où se trouvent une douzaine d’embarcations éclairées de lanternes vénitiennes, pour s’émerveiller devant le spectacle pyrotechnique. L’Exposition a reçu pour le jour de l’inauguration plus de 100.000 personnes.
L’entrée avait été abaissée à 50 centimes donc la recette brute n’a été que de 50 000 francs. La dernière manifestation de festivité a été un banquet le lendemain au soir avec 250 convives.
La suite des évènements ne sera plus qu’accidents plus ou moins prévisibles, marchandages sordides pour arriver à la faillite inévitable.
Durant cette exposition, quelques réalisations remarquables peuvent être retenues. C’est le cas de l’ascenseur hydraulique qui a été un des objets ayant fait l’attraction de l’Exposition lyonnaise. Cette invention de Félix Léon Édoux avait déjà été admirée à l’Exposition de Paris en 1867 mais était encore inconnue à Lyon.
Durant la journée, l’ascenseur de la tourelle située à l’intérieur du Palais élève les visiteurs au milieu des machines en mouvement jusqu’à au-dessus de la toiture. Le soir, le Palais étant fermé, l’ascenseur de la tourelle située dans le Parc, au milieu des kiosques illuminés, prend le relais. Cela permet aux visiteurs de jouir de l’aspect féerique de l’Exposition de nuit avec vue sur le Parc, le lac et le Rhône.
On peut aussi parler d’une autre réalisation créée pour l’Exposition, placée sur les bas-ports de la rive gauche : le chemin de fer aérien. Livré au public le 11 septembre après plusieurs essais infructueux, il consistait en un rail posé à 4 mètres au-dessus du sol, sur des poteaux rangés sur une seule ligne. Les voyageurs sont placés par huit dans une des nacelles suspendues au rail par des petites roues et mises en mouvement par une machine fixe.
Durant cette Exposition, quelques attractions ont pu divertir les visiteurs. Parmi les plus remarquées, le canon de 17 000 kg en acier fondu ou encore la galerie de tableaux.
Le dimanche 28 juillet, tout un programme de festivités promettait d’attirer la grande foule, or cette journée se termina mal avec un épouvantable orage mêlant foudre, grêle, pluie et vent.
Plusieurs personnes ont été emportées dans l’eau puis repêchées par les gardes. De nombreux dégâts sont à noter dans les galeries au niveau de la façade de la nef centrale ou encore au niveau de certains murs en maçonnerie, vitrages, toitures et lustres. Avec l’eau pénétrant de toute part, une foule de kiosques a été dévastée. Les dommages ont par la suite continué puisque les réparations n’ont pas été rapides.
Un jury est nommé le 16 septembre et la fermeture de l’Exposition est fixée au 31 octobre. La distribution des récompenses se déroule le 3 novembre. La ville décide de prendre à sa charge l’exécution des médailles d’or décernées aux exposants. Faute de moyens, celles d’argent et de bronze sont remplacées par un brevet. De plus, quelques nominations d’officier ou de chevalier de l’Ordre de la Légion d’Honneur sont attribuées.
Pour faire le bilan, l’Assemblée Générale des actionnaires s’est déroulée le 5 novembre. Les résultats sont désastreux. Ainsi, le 14 novembre, les actionnaires décident que l’Exposition rouvrira ses portes l’année suivante, en comptant sur une meilleure réussite pour compenser leurs difficultés de 1872.
Cependant, ceux que l’on considère comme responsables des échecs, Messieurs Tharel et Savy, ont été maintenus à la tête de la Direction.
Durant l’hiver, le Parc est laissé sous la surveillance de gardes dans un état déplorable : allées défoncées, pelouses piétinées, dépouillées de leur gazon, les bâtiments délaissés et souvent détériorés.
En avril 1873, la Société est autorisée à occuper de nouveau le terrain. En mai, plus de 300 ouvriers s’affairent aux travaux de réparation des galeries.
La réouverture se fait le 16 juin, les visiteurs bénéficient d’un tarif abaissé : la carte permanente qui était à 50 francs passe à 15 francs et les entrées du soir de 50 centimes à 25.
Au niveau des attractions il y a une nouveauté : chaque dimanche, l’aéronaute Monsieur Poitevin fils propose de faire une ascension en ballon entouré d’un public intéressé.
On apprend le 2 août que le Conseil d’Administration n’acquittait pas ses dettes et que le personnel n’avait pas été payé depuis avril. Le 13 août 1873,
l’Exposition est déclarée en faillite.
Le 28 septembre, les exposants organisent eux-mêmes la remise des récompenses et les portes de l’Exposition sont fermées le 30.
Germaine Vieux, Emile Deleage : Heurs et Malheurs de l’Exposition Universelle de 1872 - Revue Société d’Histoire de Lyon Rive Gauche n°60/61/62 - 1977
Revue Rive Gauche n° 060 p. 17-21 : https://drive.google.com/file/d/1njC-jiPR9RS2sRiE00U-Hxzkovf59zN_/view
Revue Rive Gauche n° 061 p. 14-17 : https://drive.google.com/file/d/1lbl3PK5Td-nPGuu3PcORx8YLjfGdXP_u/view
Revue Rive Gauche n° 062 p. 18-21 : https://drive.google.com/file/d/1CtVJYXPSJaKL88dfWaErxYE1BzDPjZeh/view
Adèle Souchier : Une visite à l’exposition universelle de Lyon : 1872 - La Revue du Lyonnais, série 3 - n°14 p. 233-246 - 1872