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Pour comprendre l’importance des bâtiments qui longent la rue des Macchabées, nous devons parler de l’histoire du site et notamment du cloître de Saint-Just. L’histoire des églises de Saint-Just dont les vestiges sont également en ces lieux peut être consultée dans la rubrique "Le jardin archéologique de Saint-Just".
Selon la tradition de l’Eglise de Lyon, un monastère aurait été créé pour le groupe de clercs qui assurait la garde des reliques (martyrs de Saint-Irénée, confesseurs à Saint-Just), la célébration des offices et l’accueil des pèlerins. Il est vrai que l’existence d’une basilique à Saint-Just justifiait bien cette présence.
Dès 830, les moines étaient remplacés par des chanoines constituant le chapitre de Saint-Just (communauté de prêtres et de clercs desservant une église) . Si, d’après la règle, les chanoines étaient obligés de mener une vie communautaire comme les moines, ceux de Saint-Just habitent, dès le XIIIe siècle, dans des maisons particulières et ne se rencontrent qu’aux réunions du chapitre ou au moment des offices.
Même si l’abbé en titre de Saint-Just est un dignitaire du chapitre cathedral, à partir du XIIe siècle, la direction effective de la communauté est assurée par « le grand obéancier » nommé par les chanoines eux-mêmes. L’obéance est un ensemble de biens appartenant à plusieurs chanoines.
La part de chaque chanoine appelée « la prébende » représente son revenu provenant de maisons, terres, vignes, ... attaché à sa charge canoniale.
Les chanoines ne faisant pas vœu de pauvreté, ils conservaient, en plus, l’usufruit de leurs biens propres. Ies chanoines du chapitre de Saint-Just étaient également barons et seigneurs de Saint-Just. Ils ont sur leurs terres le pouvoir économique , fiscal et judiciaire. Ils possèdent des baronnies telles que celles de Brignais, Beaunant, Sainte-Concorce, Valsonne, etc., ainsi que des possessions en Dauphiné et en Forez.
A l’intérieur de l’enceinte de Saint-Just, les chanoines font élever un véritable rempart de plus de 15 m de haut et de 1,50 m de large pour protéger leurs églises et bâtiments prieuraux ou canoniaux, avec pont-levis , tours et vastes fossés extérieurs. Il n’est pas surprenant que dans certains écrits on parle du « château de Saint-Just ». Cette enceinte est bien visible sur le plan scénographique de Lyon, datant de 1550. Une grande partie de cette enceinte fut détruite en 1562 lorsque le Baron des Adrets et les protestants envahirent les lieux . On peut encore voir, rue des Tourelles, les restes du rempart commun à la ville de Saint-Just et au cloître.
C’est dans ce même cloître de Saint-Just que demeura Louis IX, roi de France. Le 2 décembre 1244, ce fut l’arrivée du Pape Innocent IV, alors en conflit avec l’empereur Frédéric II , qui ne repartit que le 19 avril 1251. Le pape Clément V fut couronné à Saint-Just en 1305. Le roi Philippe le Bel , Louis XI, Charles VIII et son épouse Anne de Bretagne, la régente Louise de Savoie, mère de François Ier y séjournèrent. Le duc d’Alençon, beau-frère de François Ier, blessé au champ de bataille, en Italie, mourut en 1525, dans la maison de l’obéancier.
A l’intérieur des remparts du cloître se trouvaient onze maisons canoniales avec cours, jardins et parfois vignes, attribuées par le chapitre aux desservants de l’église. Vingt-huit maisons, plus modestes, étaient habitées par les chanoines, prêtres ou particuliers comme l’attestent des documents de l’époque référencés par Simone Wyss dans l’ouvrage « Le Cloître de Saint-Just à travers les âges », édité par l’Association Culturelle des Sanctuaires de St-Irénée et St-Just.
De l’autre côté de l’actuelle rue des Macchabées, se trouvaient huit autres maisons canoniales, toujours avec cours, jardins et vignes. On y trouvait la maison du maître de chœur, la maison du sacristain. C’est dans une de ces maisons maintes fois remaniées, appelée « Domus papalis » (maison papale) , située à peu près en face de la Fontaine actuelle installée au-dessus du puits du cloître, que le pape Innocent IV passera sept années.
Près du parc archéologique de Saint-Just et situé à l’époque dans une rue médiévale qui s’appelait alors rue des Farges, existe encore aujourd’hui un tènement composé de sept bâtiments, une terrasse, un petit jardin, une cour ouverte et une tour, qui représentent environ 1500 m2 .
Cet ensemble de maisons , aujourd’hui situé du 17bis au 23 rue des Macchabées , faisait partie de l’obéance de l’ancien cloître de Saint-Just qui couvrait à l’époque une surface beaucoup plus importante. On peut très bien voir ces maisons, entre l’église Saint-Just et la porte de Saint-Just, sur le plan scénographique de 1550.
Jusqu’en 1470, la « maison du pressoir » fut occupée par l’obéancier qui possédait un cellier et un pressoir en sous-sols d’une grande habitation mitoyenne. Ce bâtiment fut remanié alors qu’ Antoine Bellièvre était obéancier de 1472 à 1492.
On peut voir le blason de sa famille au-dessus de la tour-escalier qu’il fit construire. Après les nombreux travaux entrepris sur ce tènement, il obtiendra du chapitre, en 1488, que celui-ci fut annexé à la dignité d’obéancier et devienne la résidence de ses successeurs. Le dernier obéancier ayant occupé ces lieux fut François Pupier, qui succéda à son père Antoine, jusqu’à l’invasion des troupes du Baron des Adrets en 1562.
L’obéance fut ensuite vendue au neveu d’Antoine Bellièvre , Nicolas de Langes en 1564. Les immeubles ayant souffert du conflit de 1562, on suppose que ce notable a du partiellement reconstruire la partie de son domaine qui s’appuyait contre la muraille du cloître alors complètement détruite. La tour était intacte. Nous trouvons dans ces immeubles beaucoup de pierres de réemploi et de fragments architecturaux qui ne sont pas réutilisés de façon très esthétiques tels des fenêtres dont les encadrements sont dissymétriques.
La date de transformation de la maison de l’obéancier en auberge est incertaine. Un document de 1623 mentionne qu’une des maisons de ce tènement prend pour enseigne le Bœuf Couronné. L’auberge était donc probablement déjà en activité à cette date.
Nous ne savons rien de plus précis en ce qui concerne le nom de cette enseigne. Plusieurs hypothèses ont été émises. La proximité du marché aux bestiaux qui, de 1613 à 1618, se tenait à l’intérieur de l’ancien cloître et l’hébergement des bouchers et maquignons pourraient expliquer ce choix. D’autre part, à côté de la porte d’entrée du 19, rue des Macchabées, un grand portail était surmonté d’une tête de bœuf qui était encore visible au XIXe siècle comme le prouve une gravure, mais qui est indéchiffrable aujourd’hui.
Lors de nos recherches nous avons trouvé beaucoup de maisons ou auberges portant le nom de « Bœuf couronné » au Moyen-Âge, à Paris, Chartres etc. Il est vrai que ces établissements avaient souvent pour enseigne des noms d’animaux.
Par contre nous savons, d’après les écrits et illustrations de André Steyert (1830-1904) dans sa Nouvelle histoire de Lyon, que dans l’ancien cloître, la porte du « petit cloître » était ornée d’une frise représentant deux crânes de taureaux alternant avec des guirlandes.
- Désignation de la photo -
L’auberge traversa les siècles et la Révolution sans encombre. Elle changea quelquefois de propriétaire et le tènement subit quelques modifications. Il fut divisé et vendu en 1805. L’auberge demeure avec la terrasse, le jardin potager et le puits. Un an plus tard le couple qui exploitait l’auberge depuis 1789 rachète tous les immeubles. Leur famille est toujours dans le tènement. Au XIXe siècle le tènement subit des transformations importantes. L’activité hôtelière s’estompe et ne demeure finalement qu’un café qui fermera en 1885.
Le portail, au 162 montée de Choulans date des années 1860. On y trouve l’enseigne du Bœuf Couronné avec tête de taureau et couronne. Au 19, rue des Macchabées, la porte d’entrée est surmontée d’une tête de taureau, qui n’est pas de facture très ancienne.
Cette fontaine, relativement récente cache un vestige du vieux cloître : le puits
qui fournissait les chanoines en eau. Sa profondeur atteint une trentaine de mètres.
Ce puits est mentionné dès 1250 dans un texte ancien concernant le tènement « du pressoir de l’obéancier ».
En 1828 et malgré les réparations effectuées en 1813, le puits ne répond plus aux besoins du quartier. L’architecte Louis Flacheron, propose d’y adjoindre une pompe logée dans la partie arrière de la fontaine dans une semi-rotonde. A l’avant de la fontaine, quatre colonnes en pierre de Tournus supporte un petit portique. Une vasque rectangulaire est surmontée d’une tête de taureau couronné, ainsi paré de « l’infula », sorte de bandelette torsadée, pour le sacrifice. Si cette fontaine n’est pas un réemploi antique, elle a cependant été inspirée, selon L. Flacheron, par l’ autel taurobolique trouvé à Fourvière, dans un vignoble, en 1704.
Lorsqu’en 1970, l'espace fut transformé, la fontaine fut détériorée et il fut même question de la déplacer. Finalement elle restera en place, peu à peu restaurée et remise en eau. C’est à cette époque qu’elle sera définitivement préservée en étant inscrite à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques en 1987.