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LA COUR DES VORACES

 

Il s’agit d’un important ensemble immobilier, représentatif de l’habitat ouvrier de la Croix-Rousse au XIXe siècle et de l’habitat populaire aujourd’hui. Selon l’hypothèse la plus courante, le mot VORACES serait une déformation du mot "devoirants", lui-même dérivé de "Compagnons du Devoir", dénomination choisie en 1846 par une association compagnonnique qui avait établi en ce lieu son quartier général. Il s’agissait d’une des nombreuses organisations ouvrières plus ou moins secrètes, de longue date basées dans le quartier.

 

La traboule de la Cour des Voraces est d’une grande discrétion : pour la découvrir, de quelque endroit qu’on vienne, il faut d’abord traverser des immeubles banals : ceux qui bordent la place Colbert, ceux qui bordent la rue Imbert Colomès ou ceux qui bordent la montée Saint-Sébastien.

Depuis le 9 place Colbert, on y parvient par une allée qui débouche de plain-pied sur une vaste cour, d’où un escalier à ciel ouvert descend vers une seconde cour et vient buter sur un second immeuble. En passant sous ce second immeuble, par une nouvelle allée, on débouche dans une impasse typiquement croix-roussienne, présentant la longueur et la largeur d’une rue, mais en impasse du côté de la montée Saint-Sebastien. De là, par des passages cochers traversant les immeubles, on peut gagner, au choix, le 29 rue Imbert Colomès ou le 14bis montée Saint-Sebastien. Ces deux dernières issues sont dépourvues de portes, si bien que la traboule est toujours ouverte.

Dominant la cour inférieure, au-dessus de la seconde allée, un monumental escalier de pierre saute véritablement aux yeux de qui vient de la place Colbert.  Cet escalier, caractéristique et très connu,  est accolé au bâtiment central sur toute la largeur et toute la hauteur de sa façade Nord. Il est à volées droites superposées, à mur d’échiffre très ajouré et largement ouvert sur la cour. Il partage ses coursives avec l’immeuble qu’il dessert par sa façade Nord.

 

La construction de cet escalier, au début du XIXe siècle, a constitué un exploit technique et architectural. Les volées sont droites. Elles reposent sur des limons obliques formés chacun d’une seule pierre monumentale. Les pièces, tant verticales qu’obliques, sont de section modérée ; à leurs articulations, des sortes de rotules assurent la transmission des charges. Les pièces, gros blocs de pierre, doivent peser des dizaines de tonnes et sont pourtant ajustées avec précision. Au sommet de l’escalier, l’étage supérieur est construit en bois, dans le même style.

 

On peut observer que la construction de cet escalier n’est pas irréprochable : les chemins des descentes de charges ne sont ni rectilignes, ni parfaitement logiques.

L’ensemble est original, complexe et homogène:

 

  • Original : l’escalier enrichit sa façade Nord et focalise l’attention de quiconque franchit la porte du 8 place Colbert. Cet escalier est l’élément qui différencie l’immeuble de tous les autres immeubles du quartier. Il résume à lui seul la forte identité de la Cour de Voraces.

 

  • Complexe : par sa configuration : il est structuré par deux cours superposées, reliées par un grand escalier à ciel ouvert ;  il est parcouru par trois traboules et une ruelle en impasse

 

  • Homogène : par son allure, très typique du quartier : les immeubles sont hauts (de R+5 à R+7) ; les baies immenses, rectangulaires, de dimensions comparables mais jamais identiques ;  le tout desservant des bâtiments de hauteur importante et relativement homogène (en général, de 5 à six niveaux sur rez de chaussée) ; homogène par les pentes des toitures (environ 30 à 35°) ; homogène aussi par son ancienneté : les bâtiments qui composent cet ensemble ont tous en moyenne 180 ans, à une dizaine d’années près.

 

Histoire

 

La construction de cet ensemble a été rendue possible par la disparition des vastes propriétés de l’Eglise, qui auparavant occupaient la quasi-totalité de la colline de la Croix-Rousse. Les besoins étaient tels que, de 1810 à 1830, on a assisté à une véritable fièvre de construction. Dans le même temps, le nombre de métiers à tisser doublait. C’est parce qu’il a été construit sur une courte période,  pour satisfaire des besoins urgents, que s’explique l’homogénéité de l’habitat croix-roussien. C’est d’ailleurs cette homogénéité qui a été reconnue en juillet 1984 par la création de la Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager des Pentes de la Croix-Rousse. La cour et les escaliers de la Cour des Voraces ont ensuite été inscrits à Inventaire supplémentaire des Monuments historiques, en 1990.

 

Les parcelles où allait être construite la Cour des Voraces étaient jusqu’à la Révolution propriété de diverses congrégations et occupées par des couvents; saisies après 1793, elles furent vendues comme Biens nationaux en 1810, puis immédiatement rebâties. Dès 1832, selon le plan cadastral,  la Cour des Voraces avait déjà l’allure qu’elle a encore aujourd’hui. L’époque de la construction de cet ensemble s’est donc étendue sur une durée relativement brève, de 1810 à 1848.

La vie de la Cour des Voraces apparaît liée aux événements historiques qui ont rythmé l’histoire du mouvement ouvrier à Lyon au XIXe siècle. De nombreuses anecdotes courent sur le rôle central qu’elle aurait joué dans l’Histoire, particulièrement à l’occasion des grands épisodes d’agitation des ouvriers de la soie, en 1831, 1834 et 1848. Il semble que certains de ces récits aient été tellement enjolivés qu’ils relèvent de la légende ; il n’en reste pas moins vrai que la Cour des Voraces a été un haut lieu des luttes ouvrières au cours du XIXe siècle.

A  la fin des années 1980,  la Cour des Voraces présentait tous les signes d’une décadence alarmante : les parties communes des immeubles étaient humides  et sombres ; les appartements, dépourvus d’éléments de confort (salles de bains, WC, systèmes de chauffage central…).

 

Naturellement, les façades lépreuses proclamaient l’état de l’ensemble. La Cour des Voraces était habitée par une population très pauvre, qui s’était réfugiée là à la recherche d’un habitat aussi bon marché que possible.

 

Restauration

 

Une demande de permis de construire fut déposée le 15 octobre 1990 par l’architecte Alain Le Clainche. Elle prévoyait la restauration complète de l’escalier, c’est à dire le renforcement des structures par des injections de résines époxy, la dépose des renforcements métalliques, la mise au jour des pans de bois situés au sommet et la reprise des ferronneries ; et la rénovation des toitures, tout en maintenant les souches. Dans le même temps, était prévue la création d’un ascenseur, indispensable dans un immeuble de sept niveaux. On décida aussi de doter les appartements du confort qui leur faisait défaut : rationalisation des volumes, isolation thermique et phonique (par des sols flottants), création de salles de bains, de cuisines, d’un système de chauffage central collectif.

 

Le chantier fut ouvert le 1er décembre 1990 pour s’achever le 31 décembre 1992. Tous les travaux prévus furent exécutés : les renforts métalliques déposés, l’escalier retrouva son équilibre spectaculaire ; les planchers renforcés, les façades ravalées,  les réseaux reconstitués. Enfin, les logements furent dotés du confort qui leur faisait défaut.